Fake news, paradis de l’intelligence artificielle, deuil de Snapchat, Facebook dislike, ministres et femmes : l’actualité des médias

Semaines après semaines les médias écoutent, analysent et traduisent les bruits du monde. Un vacarme parfois silencieux qu’il faut ébruiter. Telle est la mission qui incombe à la sphère journalistique. Mais il arrive également que ce soit les médias, eux-mêmes, qui créent et entraînent dans leur sillage d’autres bruissements. Un tout jeune Ebdo qui se paye avec, peut-être, peu de déontologie un ministre bien installé ; l’ère des fake news qui ne serait qu’un prémice ; le paradis des intelligences artificielles ; les médias-sociaux entre remise en question et reconquête ; le cap médiatique pour 2018 ; les médias écrits français sourds aux podcasts  ; la démocratie éditorialiste entre spectacle et législation  ; libération de la parole contre traitement médiatique. Retour sur l’actualité prolifique des médias en ce début de mois de février.

Évacuation !

Ils sont souvent indigestes, mais ce sont peut-être aussi eux qui traduisent le mieux la réalité. Alors évacuons les ! Quelques chiffres sur une semaine bien remplie :

  • 91 millions de dollars. C’est le bénéfice enregistré  par Twitter au 4ème semestre 2017.  Pour la première fois de ses 12 années d’existence le réseau social enregistre des bénéfices. Un chiffre qui cache une autre réalité : des restrictions budgétaires. Ce bénéfice s’est fait au détriment des rémunération des salariés qui ont perdu des stock-options. A noter aussi la baisse des dépenses en recherche et développement ainsi qu’en marketing.
  • 15 ans. C’est l’âge de majorité numérique que propose d’instaurer l’Assemblée Nationale. Nos députés examinent depuis le 6 février 2018 un projet de loi concernant la protection des données personnelles. L’idée est de fixer un âge minimum à partir duquel un mineur peut de manière autonome s’inscrire sur un réseau social. Cette inscription sera interdite à tout enfant de moins de 13 ans. Jusqu’à 15 ans, pour s’inscrire, il faudra l’accord du responsable légal. Le texte n’est qu’au stade de première lecture mais on imagine aisément que les dents grincent du côté des géants virtuels.
  • Plus de 780 000 signatures. C’est ce qu’a recueilli une pétition contre la dernière mise à jour de Snapchat.
  • 700 000. C’est le nombre d’applications malveillantes retirées du Play Store par l’intelligence artificielle de Google. Ce chiffre représente près de 25% de l’offre du plus grand magasin d’applications au monde. Les discours inappropriés, les programmes malveillants ainsi que les clones ont ainsi été repérés et supprimés.
  • 4 milliards. C’est ce que nous sommes. La 7ème édition du Rapport Digital Annuel de Hootsuite et We Are Social  vient de tomber et il ressort que nous sommes désormais 4 milliards d’internautes à travers le monde, soit près de la moitié de la population. Ce nombre est en croissance de 7% par rapport à 2017. A noter que 9 personnes sur 10 se connectent à l’Internet via leurs appareils mobiles.
  • 2.64 millions. C’est le nombre d’abonnés en ligne au New York Times à la date du 8 février 2018. Soit une hausse de 41,8% en un an et près de 60% du chiffre d’affaire, devant les recettes publicitaires.

Ebdo va devoir sortir la H de guerre

Ce sixième numéro d’Ebdo n’était pas même sorti qu’il faisait déjà grand bruit. Dès jeudi et alors que le tout jeune hebdomadaire lançait à peine la promotion de son journal du vendredi 9 février 2018, il faisait l’objet d’attaques. Le ministre de la transition écologique et solidaire s’est rendu jeudi 8 sur BFM TV pour « prendre les devants » face à ce qu’il qualifie de rumeurs « ignominieuses ». La faute ? Une une qui ne laisse pas planer l’ombre d’un doute « L’affaire Nicolas Hulot« .

Si affaire(s) il y a ce n’est pas l’affaire Hulot mais bien LES affaires Hulot. En effet, le journal publie le fruit d’une enquête qui annonce « Ebdo révèle un secret enfoui depuis vingt ans« . La première relate des faits de harcèlement sexuel sur une collaboratrice. Cette dernière, une ancienne salariée de la Fondation Hulot aurait été entendue dans le cadre de l’affaire de l’ex-EELV Denis Baupin en 2016. C’est à ce moment là qu’elle aurait déclaré à la police avoir « connu des faits de harcèlement sexuel dans un emploi précédent« . Sans pour autant dater cet épisode, Ebdo assure que c’est le ministre qui est mis en cause et qu’il aurait acheté le silence de sa victime. Dès le lendemain, la concernée, aujourd’hui collaboratrice parlementaire, dément les faits. Nicolas Hulot dénonce quant à lui qu’il s’agirait d’un « pur mensonge. Il n’y a jamais eu ni harcèlement sexuel ni a fortiori transaction. Cette rumeur nauséabonde circule depuis des mois sans le moindre fondement. »

La seconde enquête du journal concerne des faits remontants à 1997. Le journal écrit  : « selon nos informations, recoupées auprès de l’intéressée et de trois membres de sa famille, Nicolas Hulot aurait abusé [d’une jeune femme] durant l’été 1997« . Le nom de cette jeune femme est d’abord tu. Le prétexte évoqué est que celle-ci ne voudrait pas médiatiser l’affaire et qu’elle serait issue d’une « grande famille française ». Son identité sera par la suite divulguée, il s’agit de Pascale Mitterrand, petite fille de l’ancien président de la République française. Cette dernière a porté plainte en 2008 mais du fait de la prescription, l’affaire a été classée sans suite. Une autre raison est invoquée par Nicolas Hulot lui même pour considérer ce classement : « j’ai été auditionné par les gendarmes à ma demande, et les enquêteurs ont très rapidement considéré qu’il n’y avait rien qui permettrait de poursuivre cette affaire« .

Le ministre a décidé de porter plainte contre l’hebdomadaire pour diffamation. La secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a quant à elle écrit une tribune dans le JDD intitulée « Pourquoi les accusateurs de Nicolas Hulot bafouent la parole des femmes ». Toutefois, Le Canard Enchaîné révèle aujourd’hui que le couple exécutif Macron/Philippe lui aurait demandé de « prendre publiquement position pour Hulot« . Le journal, dans son éternel  grincement titre Ebdo, le journal qui sort d’Hulot. Il s’en prend ensuite directement à lui en ces mots « Les fondateurs du nouveau magazine Ebdo avaient prévenu : libres de toutes attaches publicitaires, ils allaient donner une leçon de journalisme. La démonstration a été éclair. » Un 6ème numéro qui poserait donc peut être certains problèmes de déontologie vis à vis de cette enquête qui « échappe à quelques standards du journalisme ».

Mémoire courte et caution médiatique, journalistes vous (aussi) faites du mal aux femmes !

Dans un premier article en date du 20 décembre 2017, Acrimed, l’observatoire des médias, revenait sur le traitement médiatique du #BalanceTonPorc. La journaliste Pauline Perrenot y dénonçait que si l’on assiste certes à une libération de la parole, celle-ci se fait sous caution médiatique. Ainsi elle décrit que ces médias qui ont contribué à faire émerger la parole de ces femmes « continuent dans le même temps à survoler et à « mal-traiter » les cas de violences sexuelles et de féminicides émergeant dans l’actualité, abordés comme des faits divers et déformés selon des biais langagiers trop bien connus. »

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Ce lundi, la même journaliste, publie, toujours chez Acrimed, un article intitulé  « Violences faites aux femmes : la mémoire courte des journalistes ». Dans celui-ci elle étaye son propos et revient sur le traitement particulier de fait-divers « entraperçus » dans la presse. Elle revient sur le choix de cette terminologie en l’expliquant : « seulement entraperçu, car la mort d’une femme suite aux coups de son conjoint est reléguée au rang d’information secondaire dans nombre de médias, au profit d’une autre information : celle du suicide du conjoint, survenant deux jours plus tard. » Elle poursuit en dénonçant les choix sémantiques opérés par les rédactions. Notamment le fait que celles-ci continuent de parler de « drames familiaux » lorsqu’il y a féminicide. Elle poursuit en dénonçant ces médias qui se voudraient engagés dans la cause féministe, mais qui finalement la desservent de manière flagrante. Avant d’éluder que « les violences faites aux femmes dans les médias [restent] un éternel divertissement« . Elle conclut en interrogeant « on ne cessera de poser la question avec âcreté : que sont des violences conjugales ayant « bien tourné » ? »

Démocratie éditorialiste ?

La formule fait sourire, d’autant plus lorsqu’on regarde les chiffres de confiance des français envers les médias. C’est pourtant ce que semble dénoncer Acrimed dans un article publié par Denis Souchon la semaine dernière et qui a pour titre À l’Assemblée nationale, nul n’est censé ignorer… les médias ! Il fustige tout d’abord les propos tenus par le député Robin Reda à destination de Yaël Braun-Pivet, la présidente de la Commission des lois. Celui-ci, après échange houleux, a remercié son interlocutrice pour « le rappel au règlement quasi-maternel ». A l’intéressée de lui rétorquer : « J’adore vos réflexions misogynes ! »

La suite de l’article ne fait pas l’étalage de ces propos sous tensions mais en cite d’autres de la part de la présidente de la Commission : «  Je termine [on la voit prendre son téléphone portable] sur ce point par, voilà, en fait je suis un petit peu énervée parce que j’ai eu un SMS tout à l’heure d’un média qui me demandait de suspendre la Commission des lois pour que l’un des deux rapporteurs puisse aller en plateau, et je trouve cela particulièrement scandaleux et je tenais à vous le dire. » Denis Souchon dénonce dans le reste de son papier la connivence entre politiques et médias. Des liens qui vont bien au-delà de la possession de certains titres par des politiques…

Facebook serait en perte de vitesse, Zuckerberg presse le bouton « J’aime pas »

C’est dans un dernier au revoir ilustré sur Twitter que Jim Carrey a fermé sa page Facebook. Il semble ne pas être le seul. Le cabinet américain eMarketer analyse le réseau comme une plateforme « vieillissante » qui attirera dans l’avenir de moins en moins des 12-24 ans et ce au profit de… Snapchat bien entendu. L’avenir nous dira si ces prédictions sont exactes, en attendant Zuckerberg peut se féliciter, la barre des 2 milliards d’utilisateurs a été passée en juin dernier.

Influencia a relevé l’exhaustive étude de Buzzsumo, une plateforme de SEO, sur les phrases les plus populaires sur le réseau social. Elle a analysé les titres (« headlines ») de 100 millions d’articles publiés sur Facebook entre le 1er mars et le 10 mai 2017. Sans surprise ce sont ces titres alléchants envahissant les fils d’actualité qui se retrouvent en tête. Les trois expressions qui ont concentré le plus de « like », de partages et de commentaires  commencent toutes par : « will make you » (« vous fera »), « this is why » (« c’est pourquoi ») et « can we guess » (« pouvons-nous deviner »). La plateforme fait mieux et après les do, offre à ses lecteurs les don’t. Pour ce qui est de la titraille, Buzzsumo incite à se contenter de 16 à 18 mots et de 80 à 110 caractères. D’après leurs études ce sont ces publications qui récolteraient le plus d’interactivité.

Depuis quelques années le réseau social bleu voit ses eaux arpentées par des pirates du clic, des fins titreurs dont les audiences font rougir. Mais le glas semble avoir sonné pour eux comme l’analyse Corentin Durand pour Numerama. Facebook compte bien rétablir l’ordre sur son réseau et les algorithmes se succèdent afin de le nettoyer. Growth-hackeurs et life-jackeurs vont bientôt être mis au banc comme nous l’explique dans l’article ses professionnels du like. L’âge « de raison » serait venu pour Facebook qui ne souhaite plus voir pulluler ses pages engloutissant les « j’aime » et les commentaires à un rythme gargantuesque. Mais comme le dit si bien le journaliste (en reprenant les paroles du rappeur Booba), « la piraterie n’est jamais finie » et ses serial-likeurs se dirigent déjà vers Snapchat, Pinterest ou chose plus surprenante sur Linkedin comme le montre le site DigiDay.

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Les médias semblaient inquiets mais finalement le nouveau feed de Facebook profiterait à certains d’entre eux ! Le nouveau reach se calcule en fonction de l’intérêt et de l’engagement que suscitent les publications. L’ADN de PresseCitron a interviewé les journalistes Maxime Barbier de Minute Buzz et Guillaume Lacroix de Brut qui font part de retours positifs. « Si les médias traditionnels ont de quoi s’inquiéter de la baisse de diffusion de leurs publications ou vidéos virales, cela ne devrait pas être le cas pour les pure players. » Selon Maxime Barbier, encore « Facebook vise désormais à faire remonter les contenus captivants en termes d’audience et à même de susciter de l’engagement. » Cette modification du reach va inciter les médias à revoir leur manière d’écrire sur le réseau social mais va aussi engager une quête de qualité, du moins d’engagement. Reste à voir ce à quoi le public sera réceptif…

Qui n’a jamais rêvé de pouvoir disliker une publication ? Si ce n’est pas toujours exactement le cas, on semble s’en approcher. Pour l’instant en phase de test chez certain.e.s utilisateurs et utilisatrices aux Etats-Unis, le bouton downvote a vocation à aider Facebook dans sa modération. Si un porte-parole de l’entreprise assure « Nous ne testons pas un bouton « Je n’aime pas » », la nouvelle fonctionnalité y ressemble fortement. Elle permettra de notifier un contenu jugé offensant, déplacé, faux, discriminant. En bref, un propos que vous n’aimez pas…

Rendez-nous Snapchat !

On l’a dit, une pétition adressée à Snapchat recueille actuellement plus de 780 000 signatures et affole la toile. La cause d’un pareil engouement est la nouvelle mise à jour de l’application. L’interface a complètement été modifiée et semble profiter aux nouveaux « influenceurs« . Stars de la télé-réalité, rappeurs, youtubeurs et consorts doivent être aux anges. Cette mise à jour sacre les contenus populaires au détriment des médias. En effet ces derniers, alors qu’ils venaient à peine d’entrer définitivement dans le paysage de l’application, se voient fondu au milieu du bruit de la fame.
Les internautes dénoncent également la direction commerciale que semble prendre Snapchat, forçant ses utilisateurs à visionner des stories qu’ils ne souhaiteraient pas forcément voir. La grogne enfle depuis quelques jours sur le web et pour certain.e.s, le divorce semble consumé.

L’incidence sur l’environnement médiatique au sein de Discovery sera donc à observer de près. Surtout au regard des très bons résultats issus de cette rencontre entre l’application et les médias. INA Global titre Entre Snapchat et ses partenaires médias, les affaires roulent et annonce que Snapchat aurait versé plus de 100 millions de dollars à ses partenaires médiatiques. Un chiffre qui donne le vertige si on le compare aux années précédentes : 58 millions en 2016 et seulement 10 en 2015…

Infocalypse Now…

Aviv Ovadya est chercheur au Centre pour la responsabilité des réseaux sociaux à l’Université du Michigan. Dès 2016 il avait prédit l’explosion des fake news et sonné l’alarme quant à leur dangerosité. Dimanche dernier, dans une interview au site BuzzFeed il va plus loin encore et déclare « Nous étions réellement foutus il y a un an et demi, et nous le sommes encore plus aujourd’hui. Et si vous regardez loin dans le futur, ça empire. » La cause de son inquiétude ? Ce qu’il définit comme un tsunami de fake news et qu’il nomme prophétiquement infocalypse

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Selon lui cette vague sera le fruit de l’évolution future des technologies d’intelligences artificielles. Il parle d’ores et déjà de « marionnettes humaines«  et évoque leur « apathie de la réalité« . La multiplication des fake news sera à la portée de tous grâce à l’IA et à l’apprentissage automatique (le « machine learning ») dont elles feront bientôt preuve. Avec ces technologies n’importe qui pourra alors irriguer le web de fausses informations et déformer à sa guise la réalité. Le plus inquiétant ? Alors qu’auparavant « il fallait avoir un humain pour imiter une voix ou proposer une authentique fausse conversation. Dans cette version, vous pouviez simplement appuyer sur un bouton en utilisant un logiciel open source. C’est là que ça devient nouveau – quand quelqu’un peut le faire parce que c’est banal. »

…Ou paradis de l’intelligence artificielle ?

Face à l’incroyable développement des intelligences artificielles, deux visions s’opposent diamétralement : le dystopique meilleur des mondes ou l’utopique monde meilleur. Claude de Loupy, p-dg de Syllabs, fait partie du deuxième camps. Son entreprise Syllabs est aujourd’hui l’un des leaders mondiaux en génération automatique de contenu et ses robots rédacteurs ont été utilisés par plusieurs grands médias. Dans une interview accordée à INA Global il nous explique comment les IA se feront dans le futur les alliées du journaliste.

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Celui qui refuse de parler de « robots rédacteurs » ou pire de « robots journalistes » a déjà offert les services de ses « moteurs de rédaction » à Le Monde. Le journal a utilisé un robot codé par Syllabs pour couvrir les résultats des élections départementales et rédiger ainsi 36 000 articles. Si c’est sur ce titre que vous avez suivi les résultats vous avez donc sûrement lu un…. robot ! Il explique durant l’interview qu’il existe trois types d’algorithmes permettant d’arriver à un pareil résultat. Un premier qui se base sur l’apprentissage de la machine, l’autre sur celle de l’humain qui, par son expertise, pose des règles à l’IA. Chez Syllabs on utilise la troisième méthode, celle qui fait la synthèse des deux premières.

Face aux legitimes inquiétudes de l’interviewer quant à de possibles pertes d’emplois ou de robotisation du journalisme, Claude de Loupy, admet que « La question de l’emploi, mais aussi plus généralement de l’éthique de l’Intelligence artificielle est cruciale. Nous avons clairement une responsabilité en tant qu’acteur sur ce secteur, et notre but est non de détruire, mais bien de valoriser l’activité humaine. » A son sens, ces progrès pourraient aller dans le sens d’un « rééquilibrage » après la claque économique que fut pour le métier de journaliste la révolution numérique. Il assure que lui et les gens avec qui ils travaillent se positionnent en  « libérateurs de potentialité journalistique, en permettant aux journalistes de se concentrer sur ce qui fait leur valeur ajoutée et leur apport à la société : du vrai journalisme. »

Le législateur a les fake news dans le viseur

Début janvier, dans ses vœux à la presse, le président de la République Emmanuel Macron annonçait sa volonté de lutter de manière législative contre les fake news. L’exécutif n’aura pas traîné, la «loi de fiabilité et de confiance de l’information» est dans les cartons du ministère de la Culture. L’équipe de Françoise Nyssen y travaille en réalité depuis septembre. La proposition de loi devrait être présentée dans les prochains jours par un député de la majorité. Le texte a vocation à créer une nouvelle législation et non modifier la grande loi de juillet 1881 qui encadre le droit de la presse et reconnaît déjà le délit de « fausse nouvelle« .

Sont ciblés, « le numérique au sens large » c’est à dire les réseaux sociaux ainsi que les sites de partage de vidéo mais également «les médias sous influence d’un Etat étranger» comme Russia Today pour ne citer que le dernier venu. Elle contiendra trois grandes dispositions. La première permettra de « suspendre » ou de « révoquer » la convention d’un média sous influence étrangère. Sans cette convention avec le CSA, impossible d’émettre. La seconde concerne les plateformes numériques. Lors de périodes définies (notamment en période électorales), ces plateformes devront indiquer pour quel montant les « contenus d’information » dits « sponsorisés » l’ont été. La dernière mesure, arme le législateur contre la désinformation. Les citoyens auront la possibilité de saisir un juge des référés « pour faire cesser la diffusion massive et artificielle d’une fausse nouvelle » et si le juge qualifie l’information fausse il pourra demander la cessation d’émission. Reste à savoir ce que le législateur qualifiera de faux.

Les médias français sourds aux appels de la podcast

Outre-Atlantique, la podcast a la côte, en France les médias écrits ne s’y mettent toujours pas. Dans un article pour INA Global, Xavier Eutrope analyse les raisons de ce manque, met en lumière ces médias qui osent l’expérimentation avant de se poser la question de leur compatibilité avec les stratégies des titres sur le long terme. Radio France s’est mis au podcast depuis un moment déjà, des sociétés comme Binge ou Les Nouvelles Écoutes s’y sont consacrées et les particuliers en ont fait leur terrain de jeu. Si Libération, avec deux podcasts âgées de plus de 10 ans semble être l’exception, les titres écrits peinent à mettre le pied à l’étrier. Pour Xavier Eutrope ce serait la faute à la vidéo, sur laquelle les médias ont mis la priorité. L’incertitude du modèle économique les freine également, surtout étant donné le peu de données disponibles. Il relève que Les Echos ou L’Equipe se sont jetés à l’eau et invite leurs consorts à les suivre. Il insiste sur le fait que c’est avec des projets innovants, protéiformes et originaux que le podcast pourra s’imposer dans l’hexagone. Julia Furlan conclue « Si le marché français et les rédactions veulent entrer dans le podcast, il n’y a rien d’autre que des opportunités et de l’espace. »

Neutralité et indépendance inquiétées dans la… distribution de la presse

Dans une lettre ouverte adressée à Mme Françoise Nyssen, M. Bruno Le Maire et M. Gérald Darmanin les MLP (Messageries Lyonnaises de Presse) lancent un cri d’alarme. En rappelant leur création résistante mais aussi le nombre d’éditeurs de presse nationale qu’elles représentent (570 sur un total de 1070), les MLP disent leur inquiétude. Les difficultés que rencontre Presstalis, un concurrent, mais surtout les décisions prisent pour y remédier présentent un « risque majeur pour la neutralité et l’indépendance de la distribution de la presse en France. » Par la voix de son président du conseil d’administration, José Ferreira, les MLP dénoncent que « le mouvement de concentration
capitalistique des médias est déjà une question grave, la perspective d’y intégrer nos
messageries est démocratiquement questionnable. » Les messageries appellent donc à la prise en considération d’autres solutions qu’elles proposent : la sécurisation des flux financiers, la séparation juridique de la distribution de la presse magazine et de la presse quotidienne, la responsabilisation des coopératives sur la gestion des messageries, le rééquilibrage de la régulation bicéphale en faveur de l’Autorité indépendante et enfin la nécessité de repenser la commercialité du réseau de vente.

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Cap sur 2018, cap sur le « choc du présent » !

Avant de se quitter, revenons sur les conclusions du Fond des médias du Canada qui analyse les tendances issues de la convergence et de l’interaction de différents phénomènes pour 2018. Dans son rapport publié le 31 janvier dernier intitulé « le choc du présent« , le fond met en évidence les quatre grandes tendances pour l’année à venir. Ils insistent sur la nécessité de rechercher un contre-pouvoir aux géants du Web et de mieux négocier leur présence sur le net. Sur l’utilisation de la technologie pour favoriser la création, le retour à l’audio (et notamment aux contenus natifs) ainsi que sur la transformation de la publicité. Le modèle serait en train de devenir obsolète et il faut prévoir une réforme du modèle publicitaire en ligne pour l’adapter aux besoins et aux envies des utilisateurs. Vous savez tout, le cap est donné… Il ne tient qu’à vous de le suivre !

A la semaine prochaine, toujours sur le blog du master JRE de Sciences Po Rennes, pour observer de près l’actualité des médias !

Actu média : une croisade pour redorer le blason de la presse

La grosse info de cette semaine, c’est le divorce quasiment consommé des Français avec les médias, et surtout avec les journalistes. Selon une enquête Kantar effectuée pour le journal Lacroix, les médias accusent le coup : quelques 36% de la population sondée ne suivent l’information qu’avec « un intérêt assez faible ou très faible ». Depuis le 2 février, ce « baromètre des médias » a fait couler beaucoup d’encre de la part des concernés, comme une sorte d’écho à la crise de confiance des groupes d’information suite à l’élection de Donald Trump.

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L’heure est à la rétrospective. Il faut cibler ce qui est à la source de cette crise de défiance à l’égard des médias, et surtout des journalistes. D’après Julia Cagé dans une interview accordée aux Décodeurs, économiste et spécialiste des médias, il existe « une priorité aujourd’hui : redonner de l’envie aux lecteurs, par exemple avec des supports alternatifs. Et rétablir la confiance. Malheureusement, informer ne suffit plus. » En cause, l’accroissement de la consommation d’information sur les réseaux sociaux plutôt que sur les médias traditionnels.

En cette semaine de remise en question de la pratique journalistique, la plupart des médias s’est accordée sur une chose : l’attractivité des nouveaux modes de communication et la banalisation des « fake news » ont, comme l’explique meta-media, rendu inaudible le travail journalistique professionnel et sérieux d’investigation et de vérification des faits. L’émergence d’un nouveau lexique médiatique (fake news, alternative facts, post-vérité, réinformation…) suite aux victoires du Brexit puis de Trump, est de ce point de vue édifiante : la guerre entre médias est déclarée.

Les médias traditionnels s’en vont en guerre

Et ils en appellent à leurs généraux Facebook et Google pour mener la bataille. Cette semaine, Google et First Draft News (une coalition de journalistes luttant contre la désinformation en ligne) ont annoncé la création de CrossCheck, ou « vérification croisée », une nouvelle arme de fact-checking qui se fera en partenariat avec avec seize médias français, dont Le Monde – qui a lui-même développé Decodex la semaine dernière – l’AFP, et BuzzFeed News. Une équipe d’étudiants en journalisme, recrutés au CFJ et à l’école de journalisme de Sciences Po et formés par Google, « résumeront et remettront dans leur contexte chaque allégation » (citations tronquées, photomontages, rumeurs…), un flux qui sera supervisé par l’Agence-France Presse et consultable sur le site CrossCheck. L’outil sera mis en ligne le 27 février, deux mois avant le premier tour des présidentielles.

L’initiative est soutenue par Facebook, qui a également annoncé cette semaine la création de son propre outil de fact-checking en partenariat avec huit médias français, dont Le Monde, l’AFP, Libé, BFM-TV, ou encore France Info. Le but ? Permettre aux utilisateurs de signaler un contenu sur le réseau qui leur semble faux ou peu fiable. Dès lors que deux « fact-checkers amateurs » signaleront un contenu, celui-ci sera envoyé à l’une des équipes partenaires de Facebook pour vérifier l’info. Pourquoi ? Facebook s’inscrit dans ce mouvement planétaire anti-intox, notamment après que le géant du web a essuyé nombre de critiques vis-à-vis de l’élection de Trump. Dans la même lignée, Facebook a annoncé plus tôt dans la semaine une modification de son Newsfeed Ranking Algorythm, vous savez, cet algorithme qui trie les informations et les affiche selon vos différentes affinités. Désormais, Facebook annonce que les publications qui auront un meilleur ranking seront celles qui seront les plus « authentiques » et celles les plus proches de l’actualité plutôt que les affinités.

Ailleurs dans l’actu, mais important quand même

Snapchat, qui compte 150 millions d’utilisateurs actifs par jour dans le monde, vient d’officialiser sa volonté d’entrer en bourse. Le réseau préféré des millenials se lance dans un marathon financier dans lequel il devra convaincre Wall Street de sa crédibilité sur le marché. L’appli du petit fantôme jaune ne devrait pas avoir trop de soucis à convaincre les actionnaires; en 2016, Snapchat enregistrait plus de 400 millions de dollars de chiffre d’affaire, soit presque sept fois plus qu’en 2015.

Youtube a lancé ce mercredi deux nouvelles fonctionnalités : le live sur mobile à partir de 10 000 abonnés et le Super Chat. Le live, c’est pour contrer Facebook et son « Facebook Live » sur le segment du streaming. L’autre fonctionnalité est un moyen pour les youtubers de monétiser leur contenu. Les utilisateurs ont désormais la possibilité d’acheter des commentaires – oui, oui, acheter – qui seront affichés en-dessous de la vidéo pour quelques heures. Voilà une innovation pour le leader de la vidéo à la demande qui le rapproche de son concurrent dédié aux jeux vidéos Twitch, plateforme sur laquelle la mécanique du don pour rémunérer les streamers est déjà chose courante.

Enfin, un mot sur Daniel Schneidermann, d’Arrêt sur Images qui a comparu au tribunal de Nanterre ce mercredi dans l’affaire qui l’opposait au journal Le Point. Dans une chronique, il comparait le numéro du Point du 28 mai 2015 titrant « Les Arabes » avec une une du journal antisémite des années 1930 Je Suis Partout, titrant « Les Juifs ». Pour Schneidermann, il s’agissait de dénoncer, d’alerter sur l’essentialisation de certaines populations. Le titre n’a pas été du même avis, et Etienne Gernelle, directeur du Point, a poursuivi Schneidermann pour insulte. Le procès, duquel était absent Mr. Gernelle, a été l’occasion pour Mr. Schneidermann de défendre le principe fondamental de liberté de la presse.

En attendant le jugement début mars, passez une bonne journée, et à la semaine prochaine pour plus d’actu médias !